On a sûrement tous une équipe-type, héritée d’une mythologie, qui nous est propre avec en guise de piliers, de glorieux anciens sur lesquels repose notre vocation de supporter.
Nombreux sont ceux qui ont dans l’esprit l’équipe des Girondins de Bordeaux, classe 84.
Au printemps de l’an de grâce 1985, l’équipe au scapulaire ne se cantonnait pas à survoler le championnat (qu’elle remporterait d’ailleurs devant des canaris, c’était un pronostic aisé mais à l’époque on ne pouvait pas le jouer sur les sites de pari sportif en ligne … ), mais également l’espace aérien soviétique, le contemplant tout leur saoul, puisqu’ils n’atterriraient qu’aux termes de dizaines d’heures supplémentaires dans les airs, à quelques heures du match.
Le Président Claude Bez, droit dans ses charentaises, avait trouvé dans ces tribulations matière à alimenter la propagande anti-rouges (en ces temps où on gagnait sa liberté en faisant le mur, ils étaient bien peu à apprécier le rouge … même à Bordeaux).
Sur le pré, quinze jours avant, les Ukrainiens avaient obtenu un match nul chanceux à Lescure qui les plaçait dans une position confortable avant de recevoir la bande à Jacquet.
Pire, dix minutes à peine après le coup d’envoi, le sort des petits Français semblait plié avec une tête de Lissenko sur corner… C’était compter sans Tusseau, dont le maître tir emmènerait le club jusqu’aux penaltys, avec une qualification que Chalana finirait par arracher en étrennant le pied droit.
Pour l’histoire, la grande et celle de tous les supporters de cette équipe de Bordeaux, les Bordelais se feraient sortir au tour suivant, non sans avoir fait trembler (ah, le missile de Battiston dans la lucarne ! … les commentateurs du match sur Canalwin sont restés sans voix tellement ce but était exceptionnel) le futur champion la Juventus de Turin.
Leur périple européen prenait fin avec des relents d’amertume tant le groupe des joueurs m’avait semblé soudé, alliant la rigueur des Rohr, Specht et autres Girard à l’éclat des Giresse, Tigana, voire de Lacombe, qui avant de porter les flingues d’Aulas, dézinguait avec régularité les défenses adverses lors de sa parenthèse girondine.
Plus qu’à son entraîneur Aimé Jacquet, le méticuleux futur champion du monde, ce Bordeaux-là ressemblait alors à son président : hâbleur, fort et conquérant, il ne manquait à ce groupe que les moustaches.
En y réfléchissant, on s’aperçoit que la plupart des présidents impriment véritablement leur identité aux clubs qu’ils dirigent.