Cyclisme : Giro 1980, le chef d’œuvre tactique de Guimard (partie 1)

A l’occasion de la 14e étape du Tour d’Italie 1980, Cyrille Guimard, le directeur sportif de l’équipe Renault, réussit l’un des plus grands coups tactiques de l’histoire du cyclisme, permettant à Bernard Hinault de se replacer au classement général, avant le coup de grâce qu’il donnera quelques jours plus tard dans le Stelvio.

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Au matin de la 14e étape du Giro 1980, Cyrille Guimard, le directeur sportif de l’équipe Renault de Bernard Hinault, venu se frotter pour la première fois aux champions italiens pour aller chercher un succès au Tour d’Italieaprès avoir déjà emporté deux Tours de France et une Vuelta, se lève avec le sourire en coin. Depuis quelques jours, le patron des Renault demande à ses troupes de se mettre à bloc pour lancer Pierre-Raymond Villemiane pour les sprints intermédiaires en milieu d’étape, appelés « Point Chaud », qui n’apportent rien d’autre que quelques primes et une Fiat Panda pour le vainqueur du classement final à l’arrivée.

« Cherchez pas à comprendre, faites ce que je dis »

Guimard voulait-il offrir une Panda à Villemiane comme prime exceptionnelle ? Même ses coureurs ne comprennent pas pourquoi ils doivent tous rouler comme des fous chaque jour pour amener Villemiane emporter un point chaud que pas grand monde ne dispute. « Cherchez pas à comprendre, faites ce que je dis », rétorque Guimard chaque matin. Au sein du peloton, les coureurs italiens commencent à rigoler en voyant chaque midi les Renault embrayer à fond avant le point chaud…

Mais au matin de cette 14e étape entre Foccia et Roccaraso (186 km), avec quatre ascensions au programme, le discours du boss change… Car le point chaud se situe à 5 kilomètres du pied de la troisième ascension du jour, le Rionero Sannitico, la première difficulté sérieuse de la journée. Et là, d’un coup, tout devient limpide pour les hommes de Guimard, qui déroule son plan : « On fait le sprint comme d’habitude, mais cette fois, on ne se relève pas après… » La consigne est claire : après le sprint, toute l’équipe embraie à fond sur les cinq bornes pour en mettre partout, et derrière les grimpeurs enchaînent le pied du col au maximum avec Bernaudeau en dernier étage de la fusée pour lancer Bernard Hinault.

Et les Italiens rigolèrent en voyant les Renault embrayer…

Ainsi part l’étape, qui suit son cour jusqu’à ce fameux point chaud… Les Renault se mettent alors en tête pour embrayer comme chaque jour. Les coureurs italiens rigolent. La suite, c’est Bernard Hinault qui la raconte, évoquant ses souvenirs sur le site chroniqueduvelo.fr : « On leur avait monté une belle cabale. Il y avait un point chaud à cinq kilomètres du pied du col et avec toute l’équipe, on roulait pour Pierre-Raymond Villemiane, qui était en tête du classement des points chauds. Les coureurs italiens disaient : « Oh, Bibi, parce qu’ils l’appelaient Bibi, tu as déjà le volant et les pneus pour l’année prochaine. » Donc on a fait le point chaud et au lieu de s’arrêter après, tout le monde a continué de rouler jusqu’au pied du col. Là ça a explosé et c’était fini. Le seul équipier qui nous manquait, c’était Bernard Becaas, qui ayant vu Moser et Saronni mal placés a laissé un trou. Il s’est relevé, a fait la cassure et ils se sont retrouvés piégés derrière. Et après, ils ne pouvaient plus revenir car la machine était déjà en route. »

A l’arrivée une cinquantaine de kilomètres plus loin, Bernard Hinault a seulement gardé l’Italien Panizza avec lui au sommet de Roccaraso. Saronni et Baronchelli finissent 3e et 4e à 45 secondes, Moser termine à 1’36’’. Les autres sont encore plus loin. Hinault s’est replacé au général, juste derrière le nouveau maillot rose Panizza.

Cyrille Guimard a réussi son chef d’œuvre tactique.

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