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Thibaut Pinot a cette aura, celle des grands grimpeurs, celle de ceux qui sont à part dans cette caste, au-delà des rouleurs. Il est un pur grimpeur qui nourrit des ambitions de classements généraux, mais prouve à chaque hectomètre sur les cimes pyrénéennes ou alpestres que la montagne et lui ne font qu’un.
Réputé, respecté dans le milieu du cyclisme mondial, vénéré en France, Thibaut Pinot ne connaît tout de même pas la popularité internationale à laquelle LeBron James, Lewis Hamilton ou Lionel Messi peuvent être confrontés. Si ces derniers sont considérés comme les sportifs les plus riches de la terre, Thibaut Pinot n’a rien à leur envier !
Ce 20 juillet 2019 a sonné pour les admirateurs de Pinot, comme une seconde fête nationale. Saint Thibaut est devenu plus qu’autre jour, le patron des Français. En haut d’un monument du Tour de France, c’est en plus d’une victoire d’étape retentissante, le cœur des Français qu’il a emporté en levant les bras.
Une désillusion cinq jours plus tôt
Au départ de Saint-Flour, le peloton est nerveux et les favoris s’inquiètent déjà d’une journée cauchemardesque. Ils le savent, si ce n’est pas une étape de montagne, cette étape vallonnée et sujette aux vents de côtés va peut-être laisser des traces chez certains d’entre eux. Une aubaine pour des équipes telles que l’Education First et la Deucenink Quick-Step, habituées à dynamiter les routes escarpées à chaque course internationale.
Ce n’était donc pas une étape de haute montagne, mais à en croire les traceurs GPS, elle en était digne. Un gruppetto, des échappées, des poursuivants, un peloton aminci de manière famélique, il y en avait partout.
Si à 38 kilomètres de l’arrivée d’une étape qui en comptait 218, tout a changé, c’est peut-être ce déclic qui a sublimé Pinot les jours suivants. De cette désillusion est née une rage de vaincre impitoyable, valorisant de la plus belle des manières l’inscription ancrée sur le bras du franc-comtois : « SOLO LA VITTORIA È BELLA », « seule la victoire est belle ».
Pris dans un coup de bordure orchestré d’une main de maître par l’équipe belge d’Alaphilippe, l’autre cocarde française de ce Tour, Pinot a perdu ce jour-là, 1’40’’ sur les principaux favoris. Martyrisés à chaque tour de pédale, les pédaliers de Thomas et Bernal avaient joué leurs rôles techniques et donc permis l’élimination de Pinot du rang de favori avec un écart qui semblait impossible à combler. Presque.
À coup sûr le plus fort de ce Tour
Le 20 juillet, Pinot prouvera définitivement qu’il est le plus fort de ce Tour 2019. Dans une étape mythique, le peloton maillot jaune montre dès le col du Soulor, que l’étape se jouera entre gros bras. Les échappées ne prendront jamais plus de cinq minutes d’avance. La Movistar fera office une fois de plus, d’atout pratique pour le peloton des favoris. Dans une tactique toujours aussi controversée et quasi incompréhensible, l’équipe espagnole permettra aux équipiers de Thibaut Pinot, Egan Bernal ou encore Steven Kruijswijk de ne pas rouler une seule seconde en tête.
Dès les premiers mètres du Tourmalet, Movistar explose et le rythme des Ineos n’est pas assez rapide. Le lieutenant et futur grand, David Gaudu entame alors son récital. Martin, Mas, Porte, Fuglsang, Uran. Que de grands noms rattachés aux boyaux du Breton et lâchés, un à un.Au moment où l’on se demandait si Alaphilippe pouvait aller au bout, si Thomas ou Bernal était le leader chez Ineos, Pinot a surgi pour mettre tout le monde d’accord. Surgissant à 300 mètres de l’arrivée du groupe de survivants, il s’est littéralement envolé vers la victoire avec dans son sillon l’unique Julian Alaphilippe. Vraisemblablement porté par un Marc Madiot qui poussait à quelques centaines de mètres de grands « vas-y mon grand », Pinot est une fois de plus rentré dans l’histoire du Tour de France.
Des regrets éternels
Le futur vainqueur sur les Champs, Egan Bernal aura eu l’immense humilité de le déclarer : « Thibaut Pinot était le plus fort ». Une phrase forte de sens qui ne laissera rien d’autre qu’un goût amer.
Alors qu’il marchait sur l’eau depuis plusieurs jours, Pinot est victime d’une blessure qu’il tentera de masquer jusqu’au bout. En heurtant violemment son guidon lors d’un freinage abrupt, il subit alors une lésion musculaire. À l’agonie dans le Galibier en direction de Valloire, il parvint à rester avec les favoris en chasse de Quintana. Le lendemain, la douleur était bien trop forte. Inconsolable, en pleurs, Pinot met pied à terre bien avant que l’étape de l’Iseran connaisse le cataclysme désormais bien connu. Un regret éternel puisqu’il restait deux étapes de haute montagne pour que Pinot puisse étaler sa superbe et endosser une tunique jaune.
Pour oublier cette désillusion, le coureur a lui-même été très clair : « La seule manière d’oublier ceci est de gagner le Tour ». Alors, tenez-vous prêts.